En attendant, on meurt !

« Un homme est mort qui n’avait pour défense que ses bras ouverts à la vie », écrivait Paul Eluard.

Un homme simple, un quidam, un anonyme – ce qui n’enlève rien à sa dignité – est mort ce mercredi 13 février devant une agence Pôle Emploi de Nantes. Il s’est mis le feu comme on s’offre en sacrifice et a succombé à ses blessures.

Ni « cancer » ni « parasite », il s’agissait d’un être humain, un chômeur en fin de droit qui a prévenu plusieurs fois avant de passer à l’acte. A-t-il entendu les insultes proférées par certains politiciens de droite et d’extrême-droite, cet « assisté » fainéant et inutile, s’est-il heurté au mur de cynisme et d’inaction érigé par un gouvernement prétendument de gauche, avait-il honte de son statut, avait-il tellement peur du lendemain que tout espoir devenait impossible ?

Et si c’était précisément cela qu’on cherchait à nous infliger : nous accabler, nous asphyxier, nourrir la peur de manière à anéantir tout espoir dans l’œuf ? Non pas nous tuer, ce serait trop facile, trop grossier, trop visible, mais nous soustraire à la vie ?

On pourra dire que le suicide est un geste irresponsable ; celui qui parle ainsi me paraît bien plus lâche que l’homme qui saute le pas. On pourra arguer que "c’est la faute des salauds d’immigrés qui volent le travail des français" ; il se trouve que cet homme s’appelait Djamal. On pourra enfin réduire la cause de l'acte à quelque difficulté existentielle insoluble ; or cet homme s’est immolé devant son agence Pôle Emploi, et non dans le secret de sa salle de bain.

Un homme est mort, « tout a été fait », nous dit le ministre Sapin. Belle langue de bois, ce matériau dans lequel on taille le cercueil des plus démunis.

C’est ainsi qu’en Tunisie, voici deux ans, une Révolution commença. Ici, en France, certains persistent encore à ignorer, à railler l’évidence ou à accuser des boucs-émissaires plutôt qu’à s’en prendre aux politiques d’austérité, aux fossoyeurs de la relance, aux patrons voyous, aux traîtres à l’humanité qui patiemment voudraient nous ensevelir sous les coupes budgétaires, les licenciements à tout-va et l’égoïsme généralisé. Mais il en est qui tiennent bon, comme le prouvent les divers rassemblements organisés devant ou dans les agences Pôle Emploi ces derniers jours ; le prochain se tiendra à Paris, devant le Pôle Emploi de Bastille (48 boulevard de la Bastille), demain mercredi 20 février (14h30 – 18h30).